Communiqué de presse de SOS Durance Vivante suite à l’expulsion de la ZAP de Pertuis en date du 28 juin 2022
Une expulsion sans droit, ni titre
Alors qu’une des priorités majeures d’une organisation sociale est de nourrir sa population sainement, à Pertuis il en va tout autrement. De jeunes humains inquiets pour leur avenir, occupent des maisons, s’organisent, inventent de nouvelle forme de vie collective et plantent de quoi se nourrir sur des terres fertiles et irriguées. Ils résistent à cette idée folle de bétonner des dizaines d’hectares de terres nourricières en bord de Durance, dans son lit majeur.
De quel droit et à quel titre peut-on expulser des jeunes qui veulent tout simplement vivre dignement et se nourrir sainement. C’est parce qu’ils interrogent les contradictions de notre organisation sociale, de notre organisation économique, leurs aberrations, que les Zapatatistes sont expulsés. En effet, ils sont accusés d’occuper sans droit ni titre des maisons et des terrains payés par de l’argent public.
Mais de quel droit et à quel titre peut-on encore bétonner de nos jours des terres agricoles et expulser ceux qui dénoncent cette aberration. Les arguments manquant, c’est par la force qu’ils sont expulsés.
La démonstration est faite : ce qui est légal, n’est pas forcement juste. C’est pour cela que SOS Durance Vivante soutient les Zapatatistes et dénonce cette expulsion.
Une récolte pour l’avenir (témoignage)
« Ce champ là, dont le blé est mûr, et sur lequel j’ai participé à la première plantation de patates, semble perdu au bout de la zone commerciale où se mêlent restaurants de burgers, grandes surfaces et autres banques, usine d’équarrissage et autre fabrique internationale de machines agricoles, et des enseignes vues aux entrées de toutes les villes de France et d’ailleurs.
Tout ce méli-mélo produit de « l’emploi » et détruit la planète. C’est une zone à défendre, au nom d’un développement qui massacre. Sous la terre la nappe phréatique est polluée, en bord de Durance les déchets s’accumulent et l’eau de la rivière détournée pour une énergie dépensée à flots, coule en filet, chargée des molécules de notre chimie omniprésente.
Pourtant ici des citoyens se rassemblent pour l’avenir dans cette plaine aux terres fertiles qui n’accueillent plus les cultures vivrières indispensables à chaque communauté humaine, villes ou villages.
Des maisons destinées à la démolition ont été occupées, ré-habitées afin de construire, élaborer, expérimenter, résister. De la démocratie, du partage, du rêve , une menace?
L’utopie d’un monde hors sol, irrationnel, l’arrogance de la technologie s’oppose aujourd’hui de front au désir d’une autre réalité, le combat paraît inégal, et pourtant…
ZAP, fermes paysannes, jardins nourriciers, quartiers vivants solidaires, commerce équitable sont les espaces et les activités d’avenir : des activités choisies, accessibles et utiles à tous, avec une gestion collective des communs, eau, air et terres.
La toute puissance humaine menace tous les écosystèmes et leurs cortèges d’être vivants, parfois invisibles, que nous ignorons. L’avenir reste toujours inconnu, sauf si on décide de tuer celui de nos enfants, petits enfants. Là, c’est simple, il suffit de continuer à consommer en ignorant le milieu et en le consumant.
Mais la peur règne, celle de ceux qui veulent garder les prérogatives de l’argent, et du pouvoir qu’il prétend conférer. La peur est mauvaise conseillère…la preuve en a été faite aujourd’hui.
Ceux avec lesquels je marche n’ont visiblement pas peur.
Nous sommes au milieu d’un fatras de bâtiments, de routes, de voitures, camions et motos.
Au milieu aussi des ces gendarmes en noir équipés comme pour une guerre, armes, boucliers, véhicules.
Des hommes qui courent pour encercler, contenir et empêcher. Des hommes, et même quelques femmes, dommage…
Un hélicoptère vrombit.
Nous sommes peu nombreux au milieu de tout ça, je marche, et je pense à la moisson proche dans les fermes, aux paysan.nes qui s’appliquent à nourrir sans détruire, je pense à l’eau qui manque et à l’inconscience, la méconnaissance, je pense à la Durance.
C’est une marche contrainte, irréelle, mais libre, dans un élan collectif qui apaise. On échange avec ses compagnons et compagnes de marche, chacun s’adresse aux gendarmes à sa façon. On pourrait se croire importants avec une telle escorte !
On sent la colère, la détermination, l’oscillation entre espoir et désespoir, tellement plus vivants que ces visages uniformisés qui se veulent fermés, distants, mais dont on peut croiser parfois un regard, une ébauche de sourire, une inquiétude qui prouvent que ce ne sont pas des robots. Le moment de la récolte est incroyable d’énergie et de beauté, des couleurs, du végétal, des fleurs, des bottes liées, une scène presque bucolique, hormis les sombres sentinelles.
La confusion règne avant de repartir, du gaz lacrymogène : mauvais pour l’ambiance, les yeux et les insectes.
Je me trouve bloquée à côté des hommes en noir, ceux qui décident, j’attends, comme tout le monde, avec ma gerbe de blé, j’évoque les moissonneuses énormes pour lesquelles il faut parfois couper un arbre, je parle des AMAP. Les gendarmes écoutent-ils ?
Ne laisser personne retourner dans les maisons démolies, c’est la consigne principale….on devra donc marcher encore, vers le parking de co voiturage, nous qui sommes à pied ou à vélo. C’est maintenant un drôle de défilé sur un terre plein à l’herbe rase (ébauche d’un aménagement en cours, sans aucun sens) . Les files de voiture et de gendarmes sont lointaines, en contre bas…laissent nous t’ils dominer pour un instant, et pour voir une image inédite ? Nous sommes dans un no man’s land comme une horde de manants portant gerbes, sans faucilles ni fléaux , scène improbable d’une récolte pour l’avenir.
Ceux qui ont été bloqués rejoignent notre groupe pour la dernière ligne courbe sur le talus artificiel qui monte et descend.
Au rond point les gendarmes nous contiennent encore pour laisser libre cours au flot ininterrompu des voitures, ils sont maintenant des silhouettes noires et désemparées au milieu des herbes folles du rond point. C’est presque drôle…Ils partent soudainement, comme des voleurs. Oui, ils ont volé quelque chose ce 28 juin 2022, et ils le savent, sans doute. Pourtant j’en suis certaine, ceux avec qui j’ai marché sèmeront et récolteront à nouveau ! »
L’association SOS Durance Vivante participe à la lutte contre l’artificialisation des Terres à Pertuis et Cavaillon, elle soutient la ZAP, elle est engagée dans des actions juridiques (recours contentieux).
Renaturer la Durance, redonner la parole à la rivière est le cœur de nos actions.
Pour nous rejoindre
site : sosdurancevivante.org
mail : contact@sosdurancevivante.org